Dire que la vie de nos abeilles n’est pas un long fleuve tranquille est malheureusement un euphémisme. En effet, les problématiques majeures actuelles comprennent le tristement célèbre Varroa destructor, le syndrome d’effondrement des colonies ou la polémique sur les néonicotinoïdes.
On pourra citer aussi les préoccupations futures que sont les frelons asiatiques qui arriveraient en Belgique, ou l’invasion d’Aethina tumida en Italie et dans le sud de la France.
Mais l’abeille est un bon sujet de communication. La néo-ruralisation et la volonté de revenir à une vie plus saine ou plus proche de la nature en font une préoccupation évidente : l’image de pureté du miel, quasi panacée universelle, la pollinisation des cultures, l’impact de la pollution …
On se préoccupe donc plus de cet insecte domestique et c’est tant mieux, car sa contribution dans notre alimentation, voire dans notre société, est inestimable.
Dès lors, « ça se soigne une abeille » ? Si la question paraît légitime pour certains, la réponse est, elle, bien positive, à ceci près que ce n’est pas l’abeille en tant qu’individu qui est traité, mais bien la colonie.
De plus, le rôle central du médecin vétérinaire dans la santé animale et la gestion de la sécurité de la chaîne alimentaire pousse aussi au même constat : oui, ça se soigne une abeille. De même qu’on soignera une vache laitière ou une poule pondeuse, l’abeille est aussi un animal producteur de denrée alimentaire. La gestion de sa santé est donc du recours du médecin vétérinaire.
Alors, comment se fait-il que l’on ne voie pas plus de vétérinaires dans des ruchers?
On pourrait très rapidement conclure à l’argument financier et à la débrouillardise des apiculteurs, qui se fournissent en médicaments par internet ou par des pharmaciens complices. Certes, ce constat comporte sa part de vérité, mais c’est aussi parce que la profession a bien vite considéré l’abeille comme une espèce mineure.
C’est ainsi qu’en 2011, s’est mis en place un réseau de vétérinaires (BEEVET) pour répondre aux attentes de la filière apicole. À la base, cela reposait principalement sur des vétérinaires eux-mêmes apiculteurs, mais cette liste s’est étoffée depuis lors par des consœurs et confrères formés sur le sujet. Retrouvez la liste sur l’onglet « Vétérinaires » (ou via le site de l’Ordre des Médecins Vétérinaires, sous l’appellation « vétérinaire avec un intérêt pour l’apiculture » ).
On ne peut parler du vétérinaire apicole sans évoquer le médicament vétérinaire.
Ainsi, il faut attirer l’attention sur l’existence de ce qu’on appelle une LMR (limite maximale de résidu) dans une denrée alimentaire. En effet, un vétérinaire traitant des abeilles fera toujours attention à ce que le traitement utilisé ne rende pas le miel impropre à la consommation.
Ensuite, les régulations en vigueur obligent l’enregistrement des médicaments. C’est par le vétérinaire que peuvent être légalement importés des médicaments non-enregistrés en Belgique.
Enfin, vu l’absence du conseil vétérinaire, on a vu émerger rapidement des résistances à certains médicaments ou observer une efficacité moindre suite à de mauvaises pratiques thérapeutiques, comme une durée, une posologie, une saison, un médicament utilisé…mais inadapté !
Le vétérinaire a donc toute sa place aux cotés de nos abeilles, pour diagnostiquer et mettre en place les traitements les plus pertinents !
C’est ainsi, que le 9 mai 2017 est paru un Arrêté Royal relatif à la guidance vétérinaire apicole, tel un cadre pour les réponses à ces problèmes.
Que dit l’Arrêté Royal ?
Avant toute chose, cette guidance apicole est tout à fait libre et non obligatoire, elle a pour principal objectif d’améliorer la lutte contre le varroa. Les conséquences pour l’apiculteur résident en une facilitation de l’accès aux médicaments pour lutter contre la varroase, et pour aucune autre pathologie apicole (dans ces cas-là, l’appel au vétérinaire suit un schéma habituel : consultation-diagnostic-traitement).
Ensuite, la guidance apicole est, comme son nom l’indique, une guidance ! Il y a donc un contrat passé entre l’apiculteur et le vétérinaire (et son suppléant) avec des droits et des devoirs. Le vétérinaire assurera l’encadrement sanitaire du rucher.
Les vétérinaires passant ces contrats de guidance devront être agréés. Dans la version actuelle de l’AR, il n’est pas nécessaire pour le praticien de faire partie de la liste des vétérinaires « ayant un intérêt pour l’apiculture », liste qui permet au secteur apicole d’identifier des vétérinaires « api-compétents ».
Le vétérinaire pourra délivrer du médicament à l’apiculteur avec qui il a un contrat de guidance, sans que celui-ci doive à chaque fois ouvrir les ruches pour constater que le varroa est encore et toujours là.
L’apiculteur devra être enregistré à l’AFSCA et devra assister à des info-sessions.
Tout d’abord, lors de chaque contrat de guidance apicole, le vétérinaire devra se rendre dans tous les ruchers de l’apiculteur pour y effectuer un audit sanitaire. Cette visite devra être réalisée tous les 4 ans et permettra au vétérinaire de prendre connaissance du niveau technique et des conditions d’élevage de l’apiculteur. Pour uniformiser les audits et les info-sessions, les rapports-types de chaque séance se trouvent en annexe de l’AR.
Ensuite, l’apiculteur devra se rendre à 2 info-sessions par an qui seront organisées par son vétérinaire de guidance. Ces info-sessions pourront rassembler plusieurs apiculteurs d’une même région ou fédération apicole. Elles ne sont toutefois pas obligatoirement publiques et l’apiculteur passant le contrat de guidance peut demander à avoir des info-sessions privées. Ces séances seront l’occasion de communiquer sur l’état sanitaire des cheptels apicoles et d’effectuer des comptages de varroa pour estimer l’infestation des ruchers et l’efficacité des traitements mis en place.
Enfin, tous les vétérinaires, qu’ils soient de guidance ou non, continueront à pouvoir prescrire du médicament pour des abeilles avec les mêmes conditions que celles présentes avant la mise en place de l’AR.
Plus globalement, cette guidance vétérinaire fait partie du « Plan Fédéral Abeille 2017-2019 ». Ce plan, qui inclut, entre autres, des projets comme Bee Best Check ou Healthy Bee, contient aussi un budget pour une aide financière pour les apiculteurs s’engageant dans cette guidance vétérinaire.
Dès lors, dans un cadre apicole où les bonnes nouvelles ne sont pas toujours nombreuses (l’île de la Réunion vient de perdre son statut « indemne » de varroa…), ne gâchons pas notre plaisir devant la bonne direction que prennent les choses.